Le Fonds spécial de soutien au développement du logement Le débat de consultation à la Chambre des députés (13.7.23)

Traduction du discours prononcé par le ministre du Logement, Henri Kox*

Voici le 3e débat de consultation que nous menons suite à la publication du rapport annuel du Fonds spécial de soutien au développement du logement.

Depuis près de 5 ans, nous menons une politique cohérente de construction de logements abordables publics. Permettez-moi de présenter une brève rétrospective, que j’aimerais développer en 7 points, sans vouloir dresser un bilan détaillé.

Le moins que l'on puisse dire est qu’:

1. une nouvelle politique de construction de logements abordables est en marche :

Permettez-moi de citer un chiffre significatif :

Grâce à notre engagement sans faille en faveur du logement public abordable et à des investissements massifs en énergie et en fonds, nous constatons aujourd'hui les premiers résultats concrets : une augmentation de 14 % du nombre de logements locatifs abordables en main publique rien qu’au cours des deux dernières années.

Bien que le problème soit loin d'être entièrement résolu, nous sommes fiers du changement de paradigme opéré et des premiers succès enregistrés. En maintenant cet effort collectif au cours des prochaines années, nous pouvons atteindre notre objectif de porter à 20 % la part de logements abordables détenus par le secteur public ou le secteur social !

Cependant, il est essentiel que la Chambre des Députés soutienne également cette initiative à l'avenir.

Permettez-moi de mentionner quelques chiffres supplémentaires :

  • En 24 ans, entre 1990 et 2013, les gouvernements de l’époque ont dépensé un total de 550 millions d'euros dans le cadre du programme d’Aides à la pierre, soit une moyenne annuelle de 23 millions.
  • En 5 ans, entre 2014 et 2018, ce montant a atteint 243 millions d'euros, soit près de 50 millions par an.
  • Pour la période de 2019 à 2023, nous prévoyons un investissement de 700 millions d'euros dans la construction de logements. Cela équivaut à 140 millions par an, soit trois fois plus que lors de la législature précédente et 6 fois plus que lors des deux décennies précédentes.

Ces chiffres montrent que le secteur public est capable de réaliser des projets majeurs. Et cela, avec une réussite remarquable.

Avec l'objectif ambitieux de 190 millions d'euros investissements que nous visons pour cette année, nous avons franchi une étape importante. Toutefois, notre mission n'est pas encore terminée. Ce gouvernement n'avait pas besoin de déclarer le logement "Chefsache", car le ministre responsable, avec le solide soutien de ses collègues du gouvernement, a réussi à mobiliser massivement les fonds publics - qu'ils proviennent de l'État ou des communes - pour investir dans la construction de logements.Dans les prochaines années, nous prévoyons d'investir au moins un demi-milliard d'euros par an pour la construction de milliers de logements durablement abordables.

Voilà le changement de paradigme implémenté par ce gouvernement!

2. Comment en sommes-nous arrivés là ? Quelles difficultés avons-nous rencontrées?

Pour y arriver, il était crucial de mettre fin à certaines pratiques, en particulier arrêter de soutenir financièrement une politique de la demande de logements. Je peux énumérer quelques problèmes liés à cette politique favorisant la demande, qui a été vivement critiquée à maintes reprises par les instances internationales.

Par exemple, entre 1990 et 2010, les gouvernements de l'époque ont dépensé près de 2 milliards d'euros pour la TVA-Logement. À cela s'ajoutent quelques milliards de dépenses fiscales pour l'amortissement accéléré et le taux d’impôt réduit au ¼ du taux global sur les plus-values immobilières. Ces mesures n'ont malheureusement pas été suffisamment évaluées quant à leur efficacité et elles n'ont en rien contribué à rendre les logements plus abordables. Des années de politiques d'intérêts à taux bas se sont également avérés inefficaces et peu judicieux.

Le résultat a été une hausse exponentielle des prix au cours des 15 dernières années, surtout entre 2015 et 2021, tant pour les terrains que pour les logements, qu'ils soient neufs ou anciens.

Cela a eu des conséquences dramatiques pour les personnes, qui se sont vus obligés de faire davantage d’efforts pour se loger. Comme moins de gens sont en mesure d'acheter un bien immobilier, la demande pour des logements locatifs a fait augmenter les loyers. Cela a un impact négatif sur la prospérité et l’attractivité du pays, et surtout sur la répartition des richesses.

En 2021, après la crise du Covid, de nouveaux problèmes sont apparus, tels que les retards de livraison des matériaux de construction, associés à la guerre qui a entraîné une flambée des prix et des taux d'intérêt, après 20 ans de politiques d'intérêts bas.

Et du coup, le dopage qui alimentait la chaîne de Ponzi du secteur luxembourgeois de la construction a disparu, entraînant des conséquences que nous connaissons désormais trop bien ! La vente des appartements Vefa s'est effondrée, et de nombreuses entreprises se retrouvent avec moins de travail, se demandant comment elles vont faire face à l'évolution de la situation l'année prochaine.

Nous faisons face à une situation qui historiquement n’est pas unique, car nous avons déjà traversé des périodes similaires en 2008, 1992, 1982 et dans les années 70. Malgré cela, la correction des prix sur le marché immobilier pose un énorme problème pour de nombreuses personnes.

Les travailleurs du secteur du bâtiment sont particulièrement touchés, avec des activités réduites et un risque de chômage partiel. Cependant, ce problème affecte également ceux qui viennent d'acheter un bien immobilier ou ceux qui envisagent d'en acheter un. Nous espérons que nos banques feront des efforts pour aider ces personnes du mieux possible.

Dans ce contexte, permettez-moi de vous remercier à nouveau, car si tout se passe bien, la semaine prochaine, nous pourrons voter la réforme des aides individuelles. Cette réforme permettra de soutenir de nombreuses personnes de manière significative.

En particulier, nous réformerons considérablement la subvention d'intérêts. Un plus grand nombre de personnes seront éligibles et elles recevront également une aide nettement plus élevée.

3. Le marché privé ralentissant, met en évidence l'importance du revirement politique engagé il y a 5 ans, c’est-à-dire d’investir massivement dans le logement public abordable.

Il est intéressant de noter qu'au cours des dernières années, aucun promoteur privé n’a approché l'État en disant :

« Je construirai pour vous des logements abordables à bon prix. Je renonce à des marges élevées, parce que notre pays, notre économie, nos entreprises artisanales, notre secteur bancaire ont aussi besoin de logements abordables, pour tous ces gens à qui on ne peut pas payer des salaires élevés. »

Bon, depuis cela a changé. Un tas de projets spéculatifs s'effondrent.

Maintenant, il est particulièrement important que l'Etat maintient non seulement un haut niveau d’investissements pour des projets pour la SNHBM et le Fonds du logement, mais que nous soutenons tous les projets de logements.

L'année dernière, lorsque les prix ont subitement explosé, nous n'avons pas freiné nos efforts. Et nous savons que ces corrections de prix étaient inévitables et ils finiront par se stabiliser à nouveau. Chaque jour, nous sollicitons davantage de cadence dans les nouveaux projets de la SNHBM et du Fonds du Logement.

C'est donc maintenant que l'État, grâce au Fonds spécial, peut mettre en œuvre une politique d'apaisement et de stimuler l'économie de manière anticyclique, afin de favoriser la construction de logements abordables et de maintenir une activité soutenue dans l'industrie de la construction.

Pour ce faire, rien de mieux que:

  • d’investir dans la construction, l'achat et la rénovation de logements en utilisant des fonds publics.
  • de soutenir et d’encourager l'artisanat en leur offrant davantage d'opportunités de travail
  • de prioriser la création de logements publics abordables pour les personnes aux revenus modestes, permettant aux gens de vivre dignement malgré des salaires bas, et de leur offrir ainsi un avenir plus prometteur.

Permettez-moi de vous présenter quelques chiffres pertinents extraits du rapport annuel du Fonds spécial:

Les Aides à la pierre :

  • 3 306 logements conventionnés, représentant 261 projets
  • 464 logements conventionnés supplémentaires en 2022
  • 387 logements livrés en 2022
  • 174 millions d’euros de participations financières versées en « Aides à la pierre »
  • 59 % des logements conventionnés sont destinés à la location abordable
  • Plus de 1 100 ares acquis avec un potentiel de réalisation de logements de plus de 450 logements
  • 88 % des logements conventionnés sont réalisés par les promoteurs publics (Fonds du Logement, SNHBM, communes)

4. Le fonds spécial - partie intégrante d'un mécanisme plus large mis en place

Permettez-moi d’évoquer quelques éléments supplémentaires qui font partie de la Stratégie nationale du logement abordable:

En 2019, nous avons fixé la durée des conventions de 20 ans à 40 ans.

Par cela, d'un seul coup, le nombre de logements abordables qui seront disponibles après 2040 a doublé!

Lorsque cette décision a été prise, il était clair pour tous - tant sur le plan économique que politique – qu’il est inconcevable que l'Etat finance 75 % d'un investissement immobilier dont l'obligation du lien social expire déjà après 20 ans.

  • Le Cahier des charges introduit avec la Fonds spécial

Le Cahier des charges aide les promoteurs publics et privés à planifier et à construire plus rationnellement. Ainsi, le logement abordable pour la population l’est également pour les finances de l'État. Car, même si nous avons pu multiplier par 5 le budget d’investissement, nous devons construire de manière efficiente et économique. Et ceci encore plus à l’avenir qu'aujourd'hui.

La mise en place du Cahier des charges a permis de constituer une importante équipe d’experts au sein du ministère du Logement pour accompagner au mieux les acteurs de terrain dans leurs projets de création de logements abordables.

  • C'est ainsi que nous avons pu voter ici, à la Chambre des Députés, pas moins de 6 lois de financement de grands projets d’envergure :
  • Elmen à Kehlen
  • Neischmelz à Dudelange
  • Wunne mat der Wolz à Wiltz,
  • Wëltgebond à Mamer
  • An der Schmëtt, la nouvelle Cité Syrdall
  • Le nouveau quartier sur l’ancienne cité militaire à Diekirch

D'ici 2030, plus de 1 800 logements seront construits rien que sur ces 6 grands chantiers. Et 2 000 logements supplémentaires y sont prévus au-delà de 2030. Au cours de cette législature, la création plus de 3 000 logements a été initié. Ces logements seront tous achevés dans les années à venir, et ils resteront tous durablement abordables !

5. Pacte Logement 2.0 (mis en place en 2021)

Permettez-moi de dire quelques mots sur les communes. Tous ces projets sont réalisés dans les communes, et c'est pourquoi il est important que nous les sensibilisons davantage au logement abordable.

Cela commence par la densité dans les PAP, et cela ne s'arrête pas aux discussions avec les citoyens sur le vivre-ensemble dans notre société diversifiée. Malheureusement, nous avons beaucoup de préjugés qu'il nous faut briser. Par exemple, à Dudelange, je suis heureux que nous ayons pu augmenter le projet Neischmelz de 950 logements à l’origine, à finalement 1 575 logements.

Notons que, la réhabilitation du terrain et l'entretien des monuments architecturaux sur le site ont coûté l’Etat plus de 300 millions d’euros! Donc environ 300 000 euros par logement, alors qu’au début nous n'avions le droit d'en construire que 950 ! Et pour être franc, à l’heure actuelle, je ne serais plus satisfait de seulement 1 575 logements. Ce quartier pourrait tout aussi bien en accueillir 2 000. Et même alors, la densité serait toujours en-dessous de celle du centre de Dudelange !

Il reste donc encore un important travail de persuasion à accomplir !

Selon moi, le Pacte Logement est l'instrument parfait pour travailler ensemble avec les communes, pour réaliser ces logements dont on a cruellement besoin, afin de permettre à chacun d’habiter de façon digne.

Dans le Fonds spécial vous trouverez également le rapport financier du Pacte Logement : quelque 25 millions ont été versés aux 43 communes qui, jusque fin 2022 ont élaboré une stratégie communale pour le logement abordable, le Programme d'action local logement (PAL).

Je suppose, que ce montant augmentera encore considérablement en 2023, car les 56 autres communes sont également en train de mettre en place avec assiduité leurs PAL. Ainsi, le soutien financier pour les projets communaux sera déjà en 2023 équivalent au total du Pacte Logement 1.0. Ainsi, le Pacte Logement 2.0 est déjà maintenant financièrement une réussite pour les communes.

À la grande différence avec le Pacte Logement 1.0, le nouveau pacte n'est pas seulement un pacte pour de l'argent, mais pour la création de logements : les communes disposent dorénavant d'un Conseiller logement et elles sont accompagnées – si elles le souhaitent – par les équipes du Ministère. Elles reçoivent beaucoup d'argent, si beaucoup de logements abordables sont créés sur leur territoire!

Notre priorité n’est plus la croissance démographique d’une commune, mais nous honorons la création de logements abordables pour ses nouveaux résidents!

Je suis donc convaincu qu’avec le vent nouveau qui souffle dans de nombreuses communes, nous allons mettre en place une bonne et constructive coopération dans les années à venir. Notamment avec les instruments du Pacte Logement, l'article 29bis de la loi sur l’aménagement communal et les autres outils, comme le Fonds spécial, nous allons créer une nouvelle dynamique dans les communes.

6. Le bailleur social et le rôle de la liste d'attente

J’aimerai souligner le rôle du bailler social, qui sera introduit avec la nouvelle loi sur le Logement abordable. Il n’est pas inclus dans le rapport du Fonds spécial, parce qu’il est comptabilisé sur une base annuelle.

Toutefois, le logement locatif abordable repris dans le Fonds spécial n'est pas concevable sans le bailleur social. Le rôle du bailleur social n'est pas une nouveauté, ce travail a été assumé au cours des 20 à 30 dernières années, en partie, grâce à l’engagement bénévole au sein des associations à but non lucratif.

C'est le bailleur social qui est en contact avec les locataires, qui assure une bonne cohabitation dans les résidences et dans les quartiers.

Jusqu'à présent, la rémunération pour ce travail réalisé par le Fonds du Logement était prise en charge par l’État, s’il ne pouvait pas être couvert par le loyer. Dans le cas de la SNHBM et des asbl, cela doit obligatoirement passer par le loyer. Ils n’ont pas le choix. C’est pour cette raison, que la SNHBM ne peut pas proposer beaucoup de logements en location, parce que le loyer prévu par le règlement grand-ducal de 1998 est insuffisant pour couvrir les dépenses liées à ces travaux. C’est aussi pourquoi, le loyer perçu par les asbl est beaucoup plus élevé qu’il est prévu dans le règlement de 1998.

Toutes les inégalités de traitement entre les locataires et entre les promoteurs sociaux s'arrêtent maintenant ! Pour moi, c'est une des innovations fondamentales de la réforme du Logement abordable nécessaire, pour mettre en place l'offensive pour le logement abordable public!

C'est une innovation centrale : nous ne construisons pas seulement des logements, mais avec ce mécanisme nous avons aussi posé les bases durables d'une bonne et harmonieuse coexistence des personnes, dont la grande diversité caractérise notre société.

7. Les perspectives pour les prochaines années, devant rester un grand effort collectif porté par toutes les factions !

Comme je l'ai déjà dit, je ne fais pas un discours de bilan – sinon je devrais parler de beaucoup d'autres sujets sur lesquels nous avons travaillé et qui me tiennent à cœur, comme :

  • La réforme du droit de préemption, qui est une avancée supplémentaire pour les communes.
  • La réforme du bail à loyer, qu'on ne pourra malheureusement plus voter, alors qu'il serait important de simplifier la législation pour la colocation et de mieux encadrer les loyers.
  • -> Quiconque ne reconnaît pas cette nécessité et veut jeter cet important projet à la poubelle, ignore à quel point les personnes avec des bas salaires sont exposées aux abus des marchands de sommeil, qui avec des loyers excessifs font souffrir les gens, et par là, les excluent de la vie dans notre société !

Je reviens sur le changement de paradigme implémenté dans cette législature:

L'investissement massif et accru de l’Etat et des communes dans la création de logements abordables locatifs et de logements abordables en vente avec emphytéose doit être poursuivi.

Si nous voulons une solution durable pour le logement au Luxembourg, il est essentiel de renforcer le secteur public et le secteur associatif. Et ceci bien sûr, en coopération avec le secteur de la construction pour la réalisation de ces logements. Ce changement de paradigme est, pour ainsi dire, confirmé et consolidé avec le vote de la motion.

Ces dernières années, nous avons toujours eu l'unanimité par un vote à main levée pour lequel je vous remercie déjà. C'est un message important que nous donnons au pays, quelle que soit la couleur politique que nous représentons. Et je suis convaincu que la prochaine Chambre des Députés saura également reconnaître le sens de ce travail et continuera à suivre le chemin parcouru jusqu’ici.

Je vous remercie !

(*le discours tenu à l’oral en luxembourgeois faisant foi)

Le débat de consultation sur le rapport du Fonds spécial de soutien au développement du logement peut visionné ici:

https://www.chd.lu/fr/seance/2884

 

 

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